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À ses débuts, l'histoire de la paroisse de Saint-Hilaire est étroitement liée à celle de la paroisse de Sainte-Luce, au Maine, située à la même hauteur mais sur la rive sud du fleuve Saint-Jean. Si Saint-Basile est la paroisse mère de tout le Madawaska, Sainte-Luce est la paroisse mère de tout le Haut-Madawaska. Les premiers habitants commencent à s'installer dans cette région sur les deux rives du fleuve dès le début du 19ième siècle. Dans leur rapport de 1831, les observateurs américains Dean et Kavanaugh relatent que, dès 1807, des lots sont déjà occupés et cultivés à la pointe de Saint-Hilaire (Thomas Albert, « Histoire du Madawaska », 1920, p.398). On désigne sous le nom de Chautaugua toute cette région du Haut-Madawaska. Cependant, de Chautaugua à « Chatte-à-coin », il n'y a qu'un tour de langue et l'on finit par désigner du terme peu flatteur de chatte-à-coin tous les habitants des deux rives. Les railleries au sujet de ce nom sont telles que les habitants de Chautaugua à l'occasion de la construction de la première chapelle en 1826 demandent qu'on trouve un nom plus approprié pour leur localité. On suggère le nom de Sainte-Émilie, mais l'évêque de Québec choisit plutôt celui de Sainte-Luce (Thomas Albert, op.cit., p.177-178). (À noter que l'historien Thomas Albert est originaire de Saint-Hilaire et, pour le taquiner, on a dû, sans doute, le traiter aussi de chatacoin.) Les habitants des deux rives font partie de cette paroisse religieuse jusqu'en 1868, année de la fondation de la paroisse de Saint-Hilaire. C'est la raison pour laquelle les premiers habitants de ce qui est aujourd'hui Saint-Hilaire sont enterrés dans le cimetière de Sainte-Luce au Maine. Bien sûr, les habitants des deux rives doivent traverser en canots au début ou emprunter les quelques traversiers installés pour se visiter, faire leurs affaires ou se rendre à l'église. La traversée de ce large fleuve représente toujours des dangers pour les riverains que ce soit au moment du gel en décembre ou de la débâcle au printemps. C'est particulièrement inquiétant lors des funérailles quand on doit traverser les cercueils dans les canots, mais romantique lors des mariages quand la flotille joyeuse est décorée pour l'occasion. La division du Madawaska en deux, à la suite du Traité Ashburton-Webster en 1842, va précipiter les événements. À ce moment, le partage unique du Madawaska n'a que des conséquences politiques. L'établissement de la frontière canado-américaine au fleuve Saint-Jean ne touche pas vraiment, à ce moment, le tissu social de la communauté. Les familles, tant du côté canadien qu'américain, restent unies et ce n'est pas une frontière politique qui va nuire au maintien de leurs relations. Aujourd'hui, c'est une toute autre réalité. Après 150 ans, la division au plan politique a fait son oeuvre et les liens entre les gens de Saint-Hilaire et de Frenchville sont pratiquement inexistants. Lors de la création du diocèse de Chatham en 1860, les paroisses du Madawaska canadien vont relever de ce nouveau diocèse, alors que les paroisses du Madawaska américain, dont Sainte-Luce, vont continuer à relever de celui de Saint-Jean jusqu'en 1870. Cela place les paroissiens Canadiens de Sainte-Luce dans une situation qui ne peut durer. Sachant que, tôt ou tard, la paroisse de Sainte-Luce passera au diocèse de Portland, l'évêque de Chatham, en 1868, détache de cette paroisse toute la partie nord du Saint-Jean, soit le côté canadien, et fonde une nouvelle paroisse. Il lui donne le nom de Saint-Hilaire pour remercier Hilaire Cyr qui donne 10 acres de terre en vue d'y placer l'église, le cimetière et le presbytère (Thomas Albert, op.cit., p. 433). Cet emplacement se trouve à mi-chemin entre le village de Baker-Brook et celui d'Albertine, le nom que portait le village de Saint-Hilaire avant son incorporation en 1967. Située sur le haut du cimetière actuel, cette première église dessert tout le côté canadien à partir des limites de la paroisse civile de Madawaska (Verret), et englobe le rang des Ouellette, Riceville et la paroisse actuelle de Baker-Brook. Sa construction et celle du presbytère s'échelonne sur près de 20 ans, soit jusque vers 1895. En 1915, les citoyens du village de Baker-Brook commencent à réclamer leur propre chapelle dans leur village. La construction de ce qui devient l'église de Baker-Brook commence vers 1920. Au côté de cette église en chantier, on bâtit un nouveau presbytère en 1925. Le curé de Saint-Hilaire y aménage avant même que l'église soit terminée. La division avec Baker-Brook se concrétise. Voyant ce qui est en train de se passer, les gens de Saint-Hilaire demandent qu'on construise aussi une église au village d'Albertine. C'est ce que l'on fait, mais seulement après beaucoup de pétitions et de délégations auprès de l'évêque. La construction de cette nouvelle église commence en 1926 sur un terrain donné par Isidore Albert et est ouverte au culte en 1927. En même temps, on commence la construction du presbytère actuel sur un terrain donné par Maxime Albert lequel est terminé vers 1930.(Le livre du Centenaire de Saint-Hilaire, 1969, p. 26-29). Décision étrange, la première église de Saint-Hilaire, située au cimetière actuel, est alors démolie durant l'été 1926, en dépit des hauts cris et des protestations des voisins immédiats, avant même que l'église de Baker-Brook soit complétée ou que la décision d'en construire une à Albertine soit arrêtée. On sauve de cette première église les autels principal et latéraux de même que les bancs qui sont remplacés par de plus confortables en 1980. L'autel principal avec le haut retable, sans doute fabriqué par les excellents ébénistes locaux du temps, est démantelé en 1969 à l'occasion des rénovations effectuées à l'intérieur de l'église au village d'Albertine et est actuellement entreposé au sous-sol de l'église. Placer l'église au village d'Albertine a pour avantage de la rapprocher des paroissiens du bas de la paroisse et du rang des Ouellette, eux qui ont à parcourir une très grande distance pour se rendre à l'église sur des routes pas toujours carossables et surtout difficiles en hiver. Les rumeurs vont bon train sur la manière dont on a bâti cette église de Saint-Hilaire. Il est même parfois difficile de distinguer entre la légende et la réalité. On a dit souvent que cette église est construite au temps de la Loi sur la prohibition. C'est vrai que les deux principaux barons de ce commerce lucratif, Maxime Albert et Fred Lévesque, sont originaires de Saint-Hilaire pour le premier et de Sainte-Luce pour l'autre. C'est vrai que les deux ont fait preuve de largesse au moment de la construction. Cependant, il ne faut pas passer sous silence la générosité des gens. La totalité des paroissiens, même démunis, ont répondu massivement à la campagne financière mise sur pied, même que ces contributions « volontaires » sont pour beaucoup un fardeau accablant. Mais qu'à cela ne tienne, il faut une église et l'esprit communautaire est plus fort. En 1969, les paroissiens de Saint-Hilaire fêtent avec éclat le centenaire de leur paroisse en organisant de nombreuses activités et cérémonies qui s'échelonnent tout au long de l'année. Le premier prêtre acadien du Nouveau-Brunswick, François-Xavier Babineau, est enterré dans le cimetière de Saint-Hilaire et c'est jusqu'à maintenant, le seul religieux à y être. Il s'est établi en 1881, à la fin de sa vie, dans le Haut-Madawaska, y enseigne la classe durant quelques années, notamment à Saint-Hilaire, et y décède en 1890. L'association de la famille Babineau lui élève un monument dans le cimetière en septembre 1992. Le 3 décembre 1994, Mgr François Thibodeau, c.j.m. préside une messe d'action de grâce pour célébrer le 125ième anniversaire de la paroisse. Les révérends Rino Albert, Rhéo Daigle, c.j.m. et Guy Cyr, o.m.i, originaires de Saint-Hilaire, sont présents pour l'occasion, de même que les révérends Arthur Rossignol, Georges Fournier et Jacques Thériault. En 1994, la paroisse de Saint-Hilaire compte 241 familles avec une population de 845 personnes. Liste des curés de Saint-Hilaire depuis 1868 :
Photos
Presbytère Référence : Livre-souvenir à l'occasion du 50e anniversaire de la fondation du diocèse d'Edmundston publié par la Revue de la Société Historique du Madawaska (vol. XXIII, numéros 1, 2, 3 et 4), 1995. Photos : Contributions |